La Gloire puis … le Déshonneur.
Chronique rédigée en 2020, suite à l’AG et au changement de bureau – mise en ligne 26 avril 2022
Lavage et rinçage des affaires il faut rembourser avec nos complémentaires « dans l’épaisseur du trait ».
L’héritier ou l’héritière accepte les actifs … et aussi les passifs de la chose héritée.
Eurodif, nourrice d’ORANO Tricastin, est fermée, elle a mérité le repos. Mais elle n’est pas morte, les salariés et les retraités non plus.
Enrichissement de l’Uranium : Opération Amont qui consiste en la conversion et l’enrichissement de l’uranium, la conception et la fabrication du combustible nucléaire.
EURODIF, l’histoire d’un groupe humain.
HIER LA GLOIRE :
Création d’EURODIF Production : source Wikipédia : Fort de l’expérience acquise avec l’usine militaire de Pierrelatte et devant la nécessité de disposer d’une telle installation d’enrichissement pour développer un programme nucléaire autonome, le Président Georges POMPIDOU propose fin 1969, à La Haye, aux pays européens intéressés de s’associer à des études de faisabilité d’une usine d’enrichissement de taille internationale. Un accord est signé avec les principaux pays européens à Paris, le 25 février 1972, pour former une association qui, sous le nom d’Eurodif (pour European Gaseous Diffusion Uranium Enrichissement Consortium), avait pour mission d’étudier « les perspectives économiques liées à la réalisation, en Europe, d’une usine d’enrichissement de l’uranium par le procédé de diffusion gazeuse, compétitive sur le plan mondial ». Font partie de cette association : la France, la Belgique, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas et la République Fédérale d’Allemagne. En 1972, l’Espagne et la Suède sont admises dans le groupement, avec respectivement les sociétés Empresa nacional del uranio S.A. (ENUSA), société détenue à 60 % par l’État espagnol, et l’A.B. Atomenergi (société d’état). Mais en 1973 la Grande-Bretagne, les Pays-Bas décident de se retirer du groupement B2.
Un protocole d’accord est finalement signé le 9 octobre 1973 entre le CEA et le Comitato Nazionale per l’Energia Nucleare (Italie), l’AGIP Nucleare, l’Enusa (Empressa Nacional del Uranio) (Espagne), l’AB Atomenergi (Suède), Synatom et le Centre d’étude de l’énergie nucléaire (Belgique). Cet accord décide de la constitution d’une société commune (société anonyme à Directoire et Conseil de Surveillance) dénommée EURODIF pour les études et recherches dans le domaine de l’enrichissement par diffusion gazeuse, ainsi que la réalisation et l’exploitation d’usines et la commercialisation d’uranium enrichi.
EURODIF Production est alors créée en tant que filiale d’EURODIF SA.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Usine_Georges-Besse.
L’usine exploitée par EURODIF Production et dont EURODIF SA est le propriétaire sera baptisée « usine Georges BESSE » en l’honneur de Georges BESSE, premier Président du Directoire de la société EURODIF SA.
AUJOURD’HUI, LE DÉSHONNEUR :
Après avoir été leader mondial du nucléaire pendant une décennie, AREVA a « défrayé la chronique » avec les fiascos industriels dus à une gouvernance et une administration centrale catastrophiques (scandale URAMIN, EPR Finlandais …) et les déboires financiers qui ont suivi.
AREVA, sous le nez des milliers de ses salariés abasourdis s’est désormais trouvé au bord du gouffre. Pour « sauver cette branche » de la filière nucléaire française, en très haut lieu, un nouveau « démembrement » est décidé :
L’activité réacteurs a été cédée à EDF, et le « cycle de l’uranium » (de l’extraction au recyclage) légué à « ORANO », société nouvellement créée. Enfin, une dernière structure subsistera, AREVA SA, structure de défaisance, propriété de l’État français, qui devra assumer financièrement le fiasco de l’EPR finlandais d’Olkiluoto.
Une structure de défaisance ou «bad bank» est une structure dans laquelle sont transférés les actifs douteux d’un établissement financier en difficulté, afin d’en assainir le bilan. Sa mission : liquider au meilleur prix les actifs repris, pour limiter les pertes pour l’actionnaire ou la collectivité. Cette structure de défaisance – également appelée «banque-poubelle» ou «banque-hôpital» – peut recevoir des participations dans des entreprises, des créances ou encore hériter de la gestion de procédures en justice.
Les sociétés du Groupe sont donc rebaptisées ORANO et ORANO Cycle qui hérite sur le Tricastin d’EURODIF Production.
Et EURODIF Production, après 40 ans de fonctionnement, aura fini sa mission sans aucun incident notoire. Pas le moindre « accident nucléaire » ayant causé la mort de salariés, ni évènement environnemental dommageable. Au vu des matières manipulées, tant sur le plan quantitatif que sur leur dangerosité chimique, vu la taille des composants du procédé et des puissances électriques mises en jeu pendant ces décennies, vu la diversité des métiers, on ne peut que louer la réussite de cette entreprise civile EURODIF, de ses salariés, ouvriers, cadres, techniciens et administrateurs et de tous les acteurs, coopérants, et aussi la multitude des sous traitants qu’il ne faut pas oublier. Tout cela est très bien illustré dans le petit film (voir plus bas, clic sur la photo).
Et la région aura largement bénéficié des retombées économiques et humaines de l’activité de cette Usine.
ORANO a donc hérité, car il s’agit bien d’un HERITAGE, non pas d’un fiasco cette fois, mais du site du Tricastin où pendant quasiment 40 ans, s’agissant de l’usine EURODIF et des équipes qui ont travaillé à enrichir l’Uranium 7 jours sur 7, 24h/24h, avec le succès que l’on sait : près de 10 Millions d’UTS (Unité de Travail de Séparation) par an.
Un retour sur investissement remarquable, permettant statutairement de provisionner « à vie » les complémentaires santé et décès invalidité de ses salariés. C’est écrit et répété au gré des réorganisations, des restructurations, et des mouvements des personnels à l’intérieur des entités du Groupe, la fameuse corde de rappel. Nombre de notes de service, de compte rendus de Comité d’entreprise et de réunion, de communiqués des diverses hiérarchies et de Directions de tutelle, tous en attestent, y compris les grands patrons et Directeurs successifs.
Les dirigeants d’ORANO actuels s’en vantent, eux qui n’y étaient pas : « …Une usine extraordinaire, une période passionnante …
Une usine hors norme qui a alimenté pendant des décennies des réacteurs dans le monde entier »
Le Directeur héritier d’ORANO Tricastin le dit lui-même avec une certaine fierté :
« …La compétence des équipes qui ont exploité EURODIF a permis de bâtir Georges BESSE 2 ».
Il faut l’en remercier car c’est bien là une reconnaissance de l’héritage dont a bénéficié, par circonstance et sans réelle gloire, le nouveau groupe ORANO avec la construction de la nouvelle Usine dite GB2 qui a vu le jour « grâce au résultat du travail des salariés d’EURODIF Production » c’est lui qui le dit, face à la caméra.
Sans cette nouvelle usine, le site du Tricastin n’aurait plus vraiment d’activité à vocation d’avenir, et les responsables actuels du management seraient contraints d’aller « manager » ailleurs, car c’est véritablement grâce au labeur fourni par les anciens d’EURODIF qu’ils ont un travail sur le site.
Malheureusement aujourd’hui, la nouvelle Direction, « sous pression » nous dit-elle faussement résignée, ne respecte pas les salariés qui ont précédé son arrivée. Arrogante, elle dénonce les accords et conventions qui sont écrits et budgétés (complémentaire santé et décès invalidité, voir plus haut), des travailleurs qui sont en retraite ou en passe d’y arriver, arguant la caducité des accords passés, uniquement parce qu’ils sont passés. Fi des textes, fi de la reconnaissance des anciens, fi de leur travail, fi de leurs maux, fi de leur famille, fi de leur santé ! Pour recouvrir, à peine dans l’épaisseur du trait, les fiasco d’AREVA, mais qui peut croire ça ?
« Disparus, vous n’existez plus, gens d’EURODIF », tel est le cantique à peine maquillé d’ORANO, serinant avec insolence le refrain abject et abaissant de l’absorption de l’une par l’autre. « Dégagez, allez donc mourir ailleurs ».
Attitude dédaigneuse qui suscite chez nombre d’entre nous un réel dégoût.
On ne peut pas à la fois proclamer que l’héritage est salvateur et jeter en pâture (ou découper en « biseau », ah ! le fameux biseau » la splendide condescendance spécial ORANO ») celles et ceux qui, au prix de leurs contributions morale et physique et de leur santé ont permis cet héritage. Certes ORANO se doit, selon toute logique, de payer les pots cassés par son prédécesseur, le Groupe AREVA, qui a malmené la filière, bien mal appuyé à un Etat défaillant, depuis les années 2000 lors de manœuvres internationales suspectes et nocives. La parole défaitiste des dirigeants actuels qui jouent les acteurs désemparés et prétendent « ajuster » les bilans, en l’occurrence sur le dos des anciens salariés, est une imposture, BURLESQUE de surcroit.
Ainsi vont les choses, pour « rembourser » la soi-disant dette accumulée (par d’autres), ORANO prétend froidement qu’un certain nombre d’accords passés ne peuvent pas être couverts, et par là-même que la santé des « honorables » retraités constitue une charge financière trop lourde et viderait les caisses ! Drôle de manière d’apprécier un héritage provenant des vieilles « équipes compétentes ». Mais qui peut croire ça ?
« On ne peut pas dire tout et son contraire« , selon la fameuse formule.
Petit aparté de circonstance :
« En même temps » il ne faut pas s’étonner de la situation d’une filière industrielle aux abois (qui n’est pas la seule), que la doxa « verte » des « anti » s’évertue opportunément bien à l’aise et sans contradicteur d’enfoncer en eaux profondes. Et que dire de tant d’apathie et de mollesse affichées par les décideurs et responsables actuels, adossé à cet Etat fautif et veule, parfois démagogique ? Que dire de ces choix politico-politiques (Europe) qui l’emportent sur les logiques industrielles avérées et les enjeux escomptés, en démocratie, de prospérité de nos populations de travailleurs ? Que dire de voir ce management-là, feignant de défendre l’outil, oser inverser le bon sens des choses à des fins de profit immédiat (et de perte à terme ! ) ou pire, de cooptation (art de laver/rincer le copinage) et au plus haut de l’état, dans l’unique optique électoraliste ?
On l’aura compris, la mission de notre Association des Employés, Préretraités et Retraités d’EURODIF ne se limitera pas à une chronique de nouvelles ou à un album de souvenirs, mais en premier lieu et dans les temps actuels, ce sera la défense des droits de chacune et chacun de ses adhérents.